12 juillet 2010

Web-entrepreneurs : au diable le modèle économique !



Depuis quelques années, les philosophies stratégiques à appliquer pour réussir sur le Web ont sacrément bousculées celles fortement ancrées depuis des décennies dans les esprits des « experts » (entrepreneurs, dirigeants, professeurs, consultants, …). À tel point que la plupart des conseils que l’on nous donne lors d’une création de start-up sont un exemple à ne pas suivre.

J’insiste : un exemple à ne pas suivre. Je veux dire par là : ne pas faire différemment, mais faire l’inverse.

Certains « gourous » (point de vue personnel) comme Jeff Jarvis (@jeffjarvis) ou Loic Le Meur (@loic) pour n’en citer que deux, nous expliquent cela à travers leurs blogs, ou bien leurs livres (pour le premier, par exemple : « What Would Google Do ? », excellent ouvrage que je conseille vivement pour les chanceux qui auront le plaisir de le découvrir pour la première fois)
Je ne m’attarderai pas sur leurs excellents conseils, du type :
-          Communiquer en amont pendant la création de l’entreprise (pour construire une communauté autour de votre produit), ce qui est l’inverse, vous en conviendrez, de la stratégie d’une entreprise classique : « passer du temps à déposer des brevets », « garder votre idée secrète pour qu’on ne vous la pique pas… »
-          Pensez partage, dans les deux sens, pensez ouverture
-          Etc. etc.

Non, j’ai envie de m’attarder plutôt sur un autre aspect : le modèle économique lui-même.

Comment identifier des conseilleurs old school, en une leçon…

Savez-vous comment reconnaît-on un business angel qui ne connaît rien au Web ?
Un professeur de stratégie has been ?
Un consultant complètement dépassé par cette nouvelle économie du Web ?

So easy. Exposez-lui votre idée, qui, j’en suis certain, sera abordée d’un point de vue utilisation du produit web, motivation de vos futurs « clients » à l’utiliser. Je parie l’apéro du vendredi soir que la première question que tous ces soi-disant experts stratégiques vont vous poser, avec un air du « si tu ne sais pas répondre à ça autant laisser tomber de suite » :

Comment allez-vous gagner de l’argent ?

Non, votre idée n’a aucun lien, ni direct ni indirect, avec un quelconque flux d’argent.
Non, vous ne voulez pas que votre produit soit payant pour l’utilisateur.
Non, vous ne savez pas comment gagner de l’argent maintenant là, tout de suite.

Mais oui, vous êtes intimement convaincus que votre produit sera utilisé. Pourquoi ? Parce que vous-même l’utiliseriez s’il existait ! Si ça ce n’est pas une raison suffisante…

Vous savez que si votre produit web n’est pas gratuit, il sera beaucoup moins utilisé. Et de toute façon, il ne faut pas avoir obtenu 12 MBA pour comprendre que si le produit est payant, il pourra être facilement copié et proposé gratuitement. Ca, c’est Internet, et pour le moment, c’est très bien comme ça. Le pouvoir aux clients, un point c’est tout.

Les cas de jurisprudence : Facebook, Foursquare, Twitter, …

Foursquare fait-elle des recettes ?
Comment Facebook, Twitter ont-elles réussi à payer autant d’employés pendant ces dernières années ?

Certes, ces start-up ont toutes eu un succès mondial. Mais elles ne gagnaient pas d’argent (de recettes directes) pendant un bon moment. Et s’ils s’étaient arrêtés à la question du « comment vous allez gagner de l’argent ? », ces start-up n’auraient probablement pas émergées de terre.

Voici comment le co-fondateur de Foursquare a débuté sa réponse quand on lui a posé la question, (alors que son application cartonne déjà) (source : http://www.lexpansion.com/economie/actualite-high-tech/foursquare-la-start-up-qui-monte-tres-vite_230598.html) : Comment comptez-vous gagner de l'argent ?
Réponse : « Nous n'avons pas encore défini clairement notre stratégie de monétisation. »

Tu plaisantes ? Mais, ça voudrait dire alors que tu as d’abord pensé à faire une application sympa, fun, avant de te poser la question de comment tu gagneras de l’argent ?

Avec une telle réponse, le business angel serait probablement tombé de sa chaise en s’étouffant avec le plan financier prévisionnel. « Je vois bien la colonne Dépenses… Mais vous n’auriez pas oublié de remplir la colonne Recettes ? »

La valeur d’une start-up = Son chiffre d’affaire Son potentiel d’influence, son nombre d’utilisateurs

Personnellement, je trouve que cette nouvelle façon d’entreprendre est super excitante. C’est plus intéressant de se creuser le cerveau à trouver un concept fun, utile, etc. que de se creuser le cerveau à trouver comment on va faire de l’argent.

Le business model, autrefois complètement indispensable, est-il désormais inutile ? Du moins il n’est visiblement plus rédhibitoire pour la création d’une start-up.

Évidemment, la question de la monétisation devra se poser un jour où l’autre, comme le font actuellement Facebook, Foursquare, ou Twitter. Et il faudra faire en sorte de trouver de l’argent pour vivre et croître (la débrouille au début, business angel après…)
Mais ce qui est important de comprendre, comme les récents succès le montrent : une start-up ne se monnaye plus par rapport à son chiffre d’affaire (souvent inexistant au moment des rachats), mais sur son potentiel d’utilisateurs et d’affluence. Ça, ça change tout, et c’est tant mieux !

Mon produit est gratuit, oui… et alors ?

Désormais, quand vous parlerez de votre projet de start-up à des amis, des proches, ou des professionnels, lorsqu’ils vous poseront la fameuse question : « C’est quoi ton modèle économique ? » Vous aurez le plaisir de lui répondre : « J’en ai pas ! Ca t’en bouche un coin, non ?! »

4 commentaires:

  1. Bonjour Julien,
    2 remarques pour prolonger le débat :
    - ne mettez pas tous les business angels dans le même panier : à ma connaissance, les facebook, twitter et autres foursquare ont été contents d'en trouver sur leur chemin.
    - attention de ne pas revenir à la mode en vigueur en 2000 lors de la 1° bulle internet, quand le must était de faire le maximum de pertes avec le minimum de chiffre d'affaires.
    Angéliquement.
    Patrick HANNEDOUCHE

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour M. Hannedouche,

    Je ne pouvais espérer une réaction aussi juste et opportun que la vôtre pour introduire le prochain post que j’envisage d’écrire, pour partager la suite de ma réflexion. En effet, je souhaite désormais creuser la question du : « Mais alors, en tant que jeune web-entrepreneur, comment développer et faire croître ma start-up sans faire de recette ? »
    C’est là qu’entrent en jeu les Business Angels. Du moins, ceux qui ont (le courage ? le coup de cœur ?) le nez pour prendre un risque financier sur un concept qui n’a pas encore trouver business model à son pied…

    M. Hannedouche, « Les business angels : Anges gardiens des créateurs d'entreprise ? » : je réponds donc « oui » !

    Concernant de votre deuxième remarque, j’ai remarqué effectivement que deux des trois exemples cités dans mon post (facebook et foursquare) ont désormais un modèle économique principalement basé sur la revente d’information de leurs utilisateurs. Tant que ces informations seront monnayables, les start-up (et les web-entrepreneurs) qui ont du succès en termes de nombres d’utilisateurs seront sauvées. Mais est-ce que ce mode de recette ne va-t-il pas dégonfler un beau jour comme en l’an 2000 ? Je ne l’espère pas, mais cela n'est effectivement pas impossible ! Ou bien d’autres moyens de gagner de l’argent vont peut-être émerger...?

    Merci de m’avoir lu.

    Julien D.

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour cet article qui a le mérite d'ouvrir le débat.

    Oui pour beaucoup de startups la route de la monétisation est longue... pourtant selon moi c'est une fausse bonne idée d'en profiter pour remettre à demain la réflexion stratégique!

    J'ai eu l'occasion de détailler mon point de vue sur cette question dans un article intitulé : " Pas de business model, pas de chocolat " si cela vous intéresse

    RépondreSupprimer
  4. Merci pour votre commentaire. Effectivement, il y a lieu à débattre avec ce sujet un peu provocateur. Je vais lire votre point de vue avec intérêt !

    RépondreSupprimer